Un article bien intéressant dans lequel je nous retrouve, paru sur le site "retourenfrance.fr"
L'expatrié d'aujourd'hui est un explorateur volontaire
Loin des clichés qui ont la peau dure, l'expatrié(e) d'aujourd'hui (et surtout, de demain) n'est pas un quarantenaire parti vivre sous les cocotiers avec sa femme et ses enfants pour le compte d'une grosse société francaise. Il n'est pas grassement payé, et personne ne prends en charge pour lui toutes les formalités qu'il faut effectuer au départ et au retour (si ce n'est ses parents, à coup de lettres recommandées et de colis improvisés). Ce n'est pas un privilégié, ce n'est pas un nantis. Ce n'est pas non plus un ingénieur sorti d'une grande école de France, ni même un homme d'affaire industriel ou agroalimentaire. Il (ou elle) a depuis longtemps déposé son chapeau de colon au vestiaire : l'expatriation d'aujourd'hui n'en est plus vraiment une pour les francais, et beaucoup d'européens. C'est une nouvelle forme hybride de mobilité, quelque part entre l'exploration volontaire, l'immigration, l'émigration et le voyage.
C'est l'expression d'un désir d'exister autrement, mieux, plus loin, d'essayer, de tester, et de prendre ses décisions pour l'avenir en toute connaissance de cause. Cette génération là ne croit pas les autres sur parole : elle veut tester.
Cette mobilité est beaucoup moins linéaire que l'expatriation classique : elle se dessine au gré des opportunités, de pays en pays, sur des durées plus courtes et des déménagements plus fréquents. Parfois, elle commence par une année d'échange ERASMUS , puis s'est poursuivie par un Permis Vacances Travail (PVT), ou un contrat VIE (Volontariat International en Entreprise). Il y a aussi ceux qui partent en chantiers humanitaires le temps d'un été, puis partent faire un tour du monde en couple ou entre copains.
Certains poseront leur valise au Viet Nam ou en Chine, d'autres profiteront du PVT pour trouver un employeur et décrocher un visa de travail en Nouvelle-Zélande. De là ils iront faire le tour de l'Asie du sud-est en "sac-à-dos", et décideront peut-être d'y rester travailler un temps, parfois légalement, parfois en dehors des autorisations inscrites sur leurs visas. Pour d'autres encore, c'est un séjour au Québec débuté "en touriste" qui se transforme en immigration plus durable, toujours dans le stress de voir son visa renouvellé, accepté ou prolongé. Seulement 20% de ceux qui ont "essayé" le Québec entre 2000 et 2010 sont allés jusqu'à une demande de résidence permanente.
L'expatriation d'aujourd'hui est plus jeune, plus paritaire, plus diversifiée
Beaucoup plus paritaire que l'expatriation classique qui dominait les années 1970, 80 et 90, l'expatriation de la génération PVT est aussi beaucoup plus diversifiée, plus diplômée, et d'origines sociales plus variées. On y compte autant de jeunes hommes que de jeunes femmes, contrairement à l'expatriation sous contrat classique qui compte, encore aujourd'hui, plus de 91% de messieurs suivis par leurs femmes (qui quittent alors tout), et donc seulement 9% de "conjoints hommes accompagnants" (source : étude Expat Value, Septembre 2015). Cette expatriation là (contrat de travail avec une entreprise francaise), représentent en 2015 seulement 12% du total de la population francaise expatriées.
Les expatriés d'aujourd'hui sont des aventuriers qui n'attendent pas d'avoir la sécurité de l'emploi à l'étranger pour se lancer : ils partent d'abord, et improvisent ensuite. Cela donne majoritairement lieu à une mobilité en solo, parfois en couple, beaucoup plus rarement avec des enfants.
On y trouve toutes les origines sociales : des milieux les plus privilégiés au milieux les plus modestes. L'expatriation ne coûte plus très cher, on se lance avec le budget minimum requis par les pays (souvent 1500 à 3000 € pour entrer sur le territoire en PVT), et assez pour prendre l'avion en sens inverse. Pour le reste, on gagne sa vie sur place au gré des rencontres et des opportunités. Ceux qui ont fait des études universitaires rencontrent ceux qui viennent d'autres horizons, et parfois, de la ville voisine en France. Entre jeunes, on se rencontre "au cul du van" au pied de l'Ayers Rock : l'élagueur d'Alsace, l'ouvrier réparateurs d'ascensseurs à Paris et le moniteur de snowboard de Morzine se mélangent et rencontrent les autres aventuriers venus d'Allemagne, de Malaisie ou d'Italie pour eux aussi explorer le monde.
L'expatrié d'aujourd'hui ne planifie pas son retour
Alors que le retour fait partie intégrante de tout contrat d'expatriation classique (avec une date de début et une date de fin), ces nouvelles démarches exploiratoires et intuitives excluent pour la plupart toute perspective de retour. Si le retour est tout de même envisagé, il semble si lointain dans une vie de débrouillardise au jour le jour, faite de rebondissements et d'imprévus, que personne ne l'anticipe vraiment. On s'y retrouve souvent confronté, soit dans l'angoisse car le visa arrive à terme et que le retour s'impose trop tôt, soit avec une certaine nonchalance liée à la certitude d'être parfaitement chez-soi en France et de ne n'y rencontrer aucune difficulté.
Au delà des aspects administratifs qui représentent d'importants obstacles, il y a la précarité financière de ces nouveaux expatriés qui rend le retour complexe et très stressant : au bout de plusieurs années "sur la route", sédentaire ou nomade, rares sont ceux qui sont parvenus à mettre de l'argent de côté. Les petits boulots ont parfois permis de décrocher d'autres emplois plus avantageux, mais les coûts associés au retour (transport, logement, recherche d'emploi) sont trop élevés pour permettre de conserver assez de moyens pour vivre les premiers mois en France.
Ceux qui reviennent aujourd'hui en France après une expatriation n'ont pas les poches pleines. Ils sont au contraire souvent en situation de précarité, l'épargne (souvent mince) ne permettant pas en France d'accéder au logement. Le manque de référents bancaires de confiance à qui s'adresser en France occasionne souvent un rapatriement maladroit des devises, et une grande perte de pouvoir d'achat en France. La majorité de ces jeunes expatriés seront allocataires du RSA et demandeurs d'emploi lors de leurs premiers mois de retour en France.
Le développement des outils pour accompagner la nouvelle expatriation : innovons, et vite
Jeunes, aventuriers, débrouillards, les expatriés d'aujourd'hui (et ceux qui composeront la grande majorité des Francais de l'étranger pour les années 2010 et 2020) ne sont en aucun cas les privilégiés capricieux que beaucoup les accusent d'être. Ils ont pris d'énormes risques, sont passées par des expériences identitaires et émotionnelles d'une grande intensité. Ils ont le mérite d'être partis sans rien demander à personne, et surtout ils n'ont rien attendus de la France durant ces années d'aventure. Au retour, ils peinent encore à valoriser la richesse de leur expérience, qui devrait pourtant constituer pour les employeurs et la société francaise une garantie de confiance, d'engagement et d'intelligence. Qu'ils peinent à retrouver leur place est alors tout à fait logique : les mieux acceuillis trouveront la force de valoriser leur différence, mais beaucoup repartiront.
A nos administrations, nos employeurs et nos compatriotes sédentaires de s'adapter à ceux qui sont allés plus loin qu'eux. Les accompagnants (coach, consultants, formateurs, DRH mobilité, etc.) de l'expatriation d'hier doivent impérativement adapter leurs méthodes de travail pour répondre aux besoins de cette nouvelle expatriation. Les services aux expatriés ne doivent plus être un produit de luxe, car le public cible est désormais beaucoup plus nombreux, éduqué, mais ne dispose pas d'un budget à 4 chiffres pour répondre à ses problématiques concrètes, et urgentes. Les nouveaux expatriés sont hyperconnectés, ils veulent des services digitaux simples, efficaces, gratuits, de l'entraide, de l'économie collaborative, de la bienveillance et du bon sens au sein d'une communauté de confiance qui a connu les mêmes problématiques qu'eux.